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Ce que l’incarcération de Sarkozy révèle des stratégies sociales des médias français

L’incarcération de Nicolas Sarkozy a déclenché un déluge de vidéos. Cette première édition de Media Scan analyse comment 18 médias français ont occupé les réseaux, non pas en comptant les vues, mais en révélant leurs stratégies.

Media Scan s’appuie sur les données sociales collectées via Tubular Labs, la référence mondiale de la mesure vidéo. Ce Media Scan a été réalisé le 31 octobre 2025.

25 septembre 2025, Nicolas Sarkozy est condamné à cinq ans de prison ferme, dans l’affaire du financement libyen de la campagne de 2007.
21 octobre 2025, il est incarcéré à la prison de la Santé.
Une première historique, inédite sous la Ve République et en Europe.

En 2023, on comptait 1 988 vidéos publiées par 808 comptes évoquant Sarkozy.
En 2024, le volume reste élevé : 1 702 vidéos, 771 comptes.
Puis arrive 2025, et tout change d’échelle : 6 574 vidéos, 1 665 comptes, soit trois fois plus de contenus qu’en 2023 et près de quatre fois plus d’émetteurs.

Et les vues suivent.
En 2025, les seules vidéos liées à Sarkozy cumulent 212 millions de vues sur Instagram, 177 millions sur TikTok, 87,1 millions sur Facebook et 61,3 millions sur YouTube.Mais ces chiffres ne disent presque rien.
Ni des stratégies derrière ces vidéos.
Ni des modèles éditoriaux en concurrence.
Ni de l’attention qu’elles déclenchent… ou qu’elles perdent.

Que pouvons-nous en tirer ? Comment rendre ces chiffres actionnables ? Que racontent-ils des stratégies des médias sur les réseaux sociaux ?

Nous nous sommes donc concentrés sur la catégorie des “News et News politics”, qui représentent 2054 vidéos de 623 comptes et 183 millions des 212 millions de vues d’Instagram, soit 86% du total. Pour ce premier exercice de Media Scan, nous avons ensuite resserré l’analyse sur 18 médias (voir la liste dans la partie méthodologie).

De l’information au récit

Un ancien président incarcéré, c’est un fait historique en France, mais c’est aussi un révélateur : ce jour-là, les médias ne racontent pas tous la même histoire, ne parlent pas au même public, ne cherchent pas tous à informer, mais plutôt capter l’attention. Certains éditorialisent, d’autres polarisent, beaucoup cherchent à imposer un récit, leur récit.

Alors quand France, la confiance envers les médias est la plus faible parmi les pays occidentaux (29 % selon Reuters Digital News Report 2025), et que certains assument de s’adresser à une communauté, voire même de vouloir parler en son nom, on peut constater qu’il n’existe pas un seul modèle éditorial dominant sur les réseaux sociaux, mais quatre stratégies distinctes, quatre manières de capter l’attention, de la retenir… ou pas.En effet, ce que j’ai observé n’est pas “qui a gagné la bataille des vues”, mais quels types de médias ont réussi à évoluer dans un environnement où l’algorithme décide du premier regard, et le public du second. 

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18 médias, un même fait, quatre façons d’exister dans le fil

L’analyse de Media Scan porte sur 18 médias. Brut, BFMTV, CNEWS, Le Monde, TF1 Info, France Inter, Quotidien, Blast, Mediapart, HugoDécrypte et d’autres qui ont publié, relayé, contextualisé, éditorialisé… un même sujet, au même moment, mais avec des performances radicalement différentes.

Ce ne sont pas les faits qui changent, les faits sont les mêmes pour tout le monde.
C’est leurs façons d’être traités sur les plateformes.

Ainsi, l’engagement ne se construit pas au même rythme selon les médias. Quand on compare l’ER7 (impact à une semaine d’une vidéo) et l’ER30 (impact sur la durée, c’est à dire 30 jours), une ligne de fracture nette apparaît.

Certains médias gagnent la bataille du court terme : ils captent l’attention, performent dans le flux, puis disparaissent presque aussi vite. CNEWS, par exemple, domine l’instant, mais ne convertit que partiellement cette visibilité en relation durable.

D’autres, suivent la trajectoire inverse. Blast, France Inter ou Le Monde n’explosent pas immédiatement, mais montent régulièrement et finissent par dépasser ceux qui ont brillé les premiers jours. Leur modèle n’est pas basé sur la surprise, mais sur la persistance.

Ce décalage entre impact immédiat et impact durable est l’un des enseignements les plus importants de Media Scan. Il montre que la question n’est plus seulement “qui a gagné la visibilité”, mais quelle temporalité un média choisit de servir.

Les 4 modèles de présence sociale qui se dessinent sur cet échantillon

A) Le modèle de l’impact à chaud (fort reach immédiat, faible engagement)

Objectif : occuper le terrain, saturer le fil, gagner la visibilité brute.
Tels Brut, BFMTV, Le Parisien, TF1 Info qui publient beaucoup, obtiennent rapidement des vues (ER7 correct), mais ne transforment pas cette visibilité en attention durable (ER30 faible).
Ce modèle fonctionne à chaud, mais s’arrête dès que le flux ralentit.
La logique : publier plus plutôt que retenir.

B) Le modèle rendement par vidéo (moins de posts dans le top, mais bien optimisés)

À l’instar de C à Vous, Quotidien, Le Figaro dont les posts arrivent moins souvent dans le top, mais dont chaque vidéo “travaille” bien : bon ER7, bon ratio vues / post, peu de déperdition.
Ici, la performance ne vient pas du volume, mais du dosage : publier au bon moment, avec le bon angle, sur le bon terrain.
Ce sont les médias qui savent faire plus avec moins, mais qui ne dominent pas le flux.

C) Le modèle engagement profond (faible au départ, fort dans le temps)

Comme Blast, Mediapart, Le Monde, France Inter qui ne gagnent jamais la bataille des premiers jours (ER7 modeste), mais finissent par dépasser plusieurs concurrents sur la durée (ER30 fort).
Leur public ne réagit pas immédiatement, mais reste, commente, partage, revient.
C’est le modèle le plus lent… mais aussi le plus stable si l’on veut bien se concentrer sur la durée.

D) Le modèle affinité algorithmique (explosif à court terme, variable à long terme)

Tels CNEWS, HugoDécrypte, Ce Soir et certains formats LCI qui obtiennent des pics ER7 élevés, car ils épousent les codes du scroll : rythme court, incarnation, polarisation.
Certains se maintiennent à 30 jours, d’autres décrochent.
Sa force est immédiate, sa faiblesse est structurelle : il dépend du système de distribution, pas de la fidélité du public.

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Ce que ces 4 modèles disent du journalisme en 2025

Ce qui frappe, au-delà de la différence de lignes éditoriales, c’est la différence de stratégies et la manière d’exister sur les réseaux sociaux.

En fait, que cherchent à maximiser ces médias ?

Certains jouent la présence, d’autres la performance, d’autres encore la relation ou pour certains l’exposition algorithmique.

Tout le monde parle de vues, mais toutes ne s’équivalent pas.

Cette étude démontre que publier plus ne garantit rien, que l’engagement profond ne protège pas du silence numérique, et que la viralité n’a pas de mémoire.

À la fin, chacun révèle la manière dont il veut être utile : informer, mobiliser, occuper le terrain, convaincre ou rallier une communauté autour d’un récit.

Les 5 enseignements de Media Scan

  1. L’algorithme fabrique la hiérarchie de l’info avant les rédactions.
  2. Les médias qui performent savent ce qu’ils attendent du réseau social.
  3. Le format n’est plus un choix esthétique, mais un choix stratégique.
  4. La fidélité ne vient pas du sujet, mais du ton, de la narration et des valeurs de la marque média.
  5. Le futur n’est pas aux médias qui crient fort, mais à ceux qui savent varier l’intensité et maîtriser finement l’impact de leurs contenus.

Le véritable enjeu n’est plus la visibilité, mais la relation éditoriale

La question n’est plus : comment faire plus de vues ?
Les vraies questions sont : quel type d’attention votre média doit-il provoquer et quel type de relation éditoriale attendez-vous ?

Désormais, les formats les plus équilibrés sont souvent surpassés par des contenus plus partisans ou divertissants. L’influence se joue sur des critères algorithmiques, qu’il faut mieux connaître pour déployer des stratégies de contenus utiles à votre journalisme.

Contactez-nous pour en savoir plus sur l’étude et l’impact de ces médias par plateforme : contact@upgrademedia.fr

Tubular Labs

Tubular Labs est la plateforme de référence pour l’analyse des contenus vidéos sur les réseaux sociaux. Grâce à un moteur de collecte et de classification qui couvre des millions de vidéos par jour sur TikTok, Instagram, YouTube, Facebook et d’autres canaux, Tubular permet de mesurer ce que publient les médias, et surtout comment le public réagit.

La Méthodologie de Media Scan

L’analyse repose sur un corpus de vidéos publiées multiplateforme et mentionnant Nicolas Sarkozy sur 2025, plus de 70% des vidéos ont été publiées en septembre et octobre 2025. Les données ont été collectées à l’aide de custom creator lists via Tubular Lab, afin d’étudier les stratégies réelles de présence : volume de publication, portée, engagement à 7 jours (ER7) et engagement à 30 jours (ER30).

L’étude porte sur 18 médias français : BFMTV, Blast, Brut, C à Vous, CNEWS, C Ce Soir (LCP), C dans l’air, France Inter, HugoDécrypte, LCI, Le Figaro, Le Monde, Le Parisien, Libération, Mediapart, Paris-Match, Quotidien et TF1 Info, analysés sur TikTok, Instagram, Facebook et YouTube.

Tous les médias analysés n’avancent pas avec les mêmes moyens, les mêmes équipes, ni les mêmes objectifs. Media Scan ne mesure pas la qualité des contenus, mais la façon dont chaque média existe dans l’économie de l’attention.

Media Scan ne cherche pas à déterminer “qui a gagné”, mais quel modèle éditorial fonctionne selon le temps, la plateforme et la forme d’attention recherchée.


À propos d’Upgrade Media : Upgrade Media est une agence créative, de conseils en stratégie, un centre de formation et de réflexion sur la transformation des médias.

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Auteur

David Sallinen

PDG et fondateur d’Upgrade Media et de New World Encounters. Consultant en stratégies numériques. Référent pédagogique d’Upgrade Media Formation

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