Le Growth Hacking est devenu une priorité pour les médias en quête de croissance et de développement du portefeuille d’abonnés. C’est l’espoir de booster les activités grâce aux data et à la maîtrise des indicateurs de performance tout au long du tunnel de conversion. Pour les médias traditionnels, l’enjeu n’est pas seulement de convertir au payant, ils doivent aussi réussir à engager des publics plus jeunes, plus féminin, déjà adeptes du numérique qui ne veulent pas juste s’informer mais agir. En somme, un défi complexe à relever que seule une équipe pluridisciplinaire experte, mobilisée autour du tunnel de conversion, permettra de relever. Voici mon retour d’expérience auprès d’un grand média régional pour engager cette nouvelle stratégie de développement.
Dans ce nouvel article de « 3mn R&D », organisé en trois parties (2, 3), nous allons voir pourquoi il faut s’intéresser au Growth Hacking et comment il va permettre de mobiliser toutes les bonnes compétences et expertises pour résoudre un problème spécifique d’un média régional, confronté à la nécessité de rajeunir son portefeuille d’abonnés.
1/ Qu’est-ce que le Growth Hacking ?
Que vous soyez CEO, responsable de l’éditorial, responsable du marketing et/ou des ventes, il est devenu capital de se sensibiliser à la culture du Growth Hacking et bien évidemment, d’en maîtriser les techniques. Principalement orienté sur l’action, le Growth Hacking se concentre sur l’entonnoir de conversion et le cycle de vie du client : de sa conquête à sa transformation comme ambassadeur et tout ceci, en prenant appui sur l’analyse des data.
L’objectif du Growth Hacking est donc de booster la croissance des revenus des lecteurs ce qui va imposer d’en avoir une fine connaissance. Pour animer ce travail d’un genre nouveau au sein des médias, il faut imaginer des équipes alliant les expertises en matière d’UX, design, data, marketing, sans oublier évidemment l’ingénierie éditoriale et technique, afin de résoudre des problèmes concrets en imaginant de nouvelles solutions, voire de nouveaux produits. En effet, le principal impact du Growth Hacking est de pouvoir changer l’offre et donc votre produit.
2/ Growth Hacking et journalisme, comment ça marche ?
Très concrètement, l’objectif est d’optimiser le tunnel de conversion et donc de transformer votre utilisateur en client, puis en ambassadeur à travers les 6 étapes clés AAARRR (cf. graphique 1, ci-dessous) :
Awareness – Cette première étape est cruciale car elle vous permet d’éveiller la curiosité de publics cibles pour qu’ils prennent conscience de ce que vous pouvez leur offrir. Pour un média traditionnel, l’enjeu est de prouver qu’il peut satisfaire une multitude de besoins. Le traitement de l’information de manière traditionnelle, centrée sur les mauvaises nouvelles, n’est plus suffisant. Votre salle de rédaction doit diversifier ses thématiques, ses formats et mieux les valoriser pour espérer mieux éveiller l’intérêt. Autre point essentiel, le respect des règles de SEO pour être “trouvable” et proposer des titres plus engageants. Comme je l’ai démontré dans mon premier article “3mn R&D”, il s’avère qu’une très grande partie des contenus publiés par les médias traditionnels ne satisfait toujours pas les règles des 5W. Dans l’exemple que je cite, 80% des articles publiés par un média régional ne répondaient pas aux obligations des 5W ; ce qui représente un manque à gagner considérable en matière de SEO et pour les réseaux sociaux. Les autres points à travailler pour améliorer la prise de conscience de votre offre sont la notoriété de votre média aux travers d’évènements en présentiel ou en distanciel, le bon usage des réseaux sociaux ou encore de la publicité, etc. Vous l’aurez compris, l’objectif est d’avoir un sommet de l’entonnoir le plus large possible.
Acquisition – Quelle est l’audience de votre site web ? Combien de visiteurs chaque mois ? L’objectif est de concevoir une stratégie de contenus efficace en matière de « hard news » (alertes) mais aussi grâce au « soft news » et à l’originalité de vos infos/angles pour espérer toucher un éventail plus large de lecteurs et lectrices et les inciter à s’engager. Dans cette logique de conversion, il est absolument primordial d’abandonner les contenus clickbait qui ne permettent pas de construire une relation de qualité.
Activation – Combien de téléchargement de votre app cette semaine ? Combien d’utilisateurs vont vouloir se loguer pour réagir à une information ? D’ailleurs, peut-on mettre en place une solution simple pour lever les freins aux commentaires ? À ce stade, l’objectif est de concrétiser une première action, puis une succession d’actions qui prouvent que votre promesse éditoriale a su capter l’attention et donner envie d’aller plus loin dans la relation avec votre média. Vous l’aurez compris, le contenu et le positionnement éditorial seront un levier puissant pour obtenir l’implication et donc, les actions de publics cibles. Prenons l’exemple de Tortoise, une alternative de “slow journalism”, lancée en 2019, face aux médias traditionnels jugés trop superficiels et vieille école. Ainsi, Tortoise place l’action de ses membres au cœur de son projet éditorial car il a bien compris que les nouvelles générations ne veulent pas juste s’informer mais agir.
Rétention – Pour espérer qu’un visiteur puisse un jour s’abonner, la fréquence des visites est primordiale. C’est ce qu‘a révélé très tôt l’analyse des data de média pionniers tels WSJ, FT, etc . D’ailleurs, connaissez-vous le “point de rétention” de votre média ? Lors du Master Class sur la rétention des abonnés numériques, organisé par l’INMA en avril 2021, j’ai beaucoup aimé l’explication de Sean Ellis (fondateur de…) : « C’est le moment où l’utilité du produit fait vraiment tilt auprès des utilisateurs, où ceux-ci comprennent vraiment la valeur essentielle – à quoi sert le produit, pourquoi ils en ont besoin et quel avantage ils tirent de son utilisation. »
Revenus – Qui paye pour quoi et combien ? Sont-ils urbains ou ruraux ? Quel âge ont-ils ? Quelles professions exercent-ils ? L’analyse fine des revenus et de qui sont vos clients seront très instructifs pour vous permettre de fixer de nouveaux objectifs ! Dans le cadre de l’un de mes projets, l’âge moyen des abonnés est de 60 ans. Il devient donc vital pour ce média de rajeunir son portefeuille d’abonnés au risque de voir disparaître très vite ses ressources et donc s’amenuiser ses marges de manœuvre dans les prochaines années. Dès lors, les générations nées en 1980, 1990… doivent devenir pour ce média des cibles prioritaires et la salle de rédaction animer quotidiennement les étapes AAA.
- Referral – L’objectif sera d’inciter le client à ne plus être seulement un « abonné » mais bien à recommander, voire devenir un ambassadeur de votre média en capacité d’en dire le plus grand bien autour de lui ou d’elle. Saviez-vous que la croissance de Tortoise est en grande partie alimentée par le bouche à oreille : la moitié des nouveaux membres proviennent de recommandations de ses membres actifs. Aujourd’hui, Tortoise compte une communauté de plus de 110.000 membres.
3/ De la collaboration entre la Rédaction et le Marketing à une équipe orientée Conversion
Dans un monde numérique, ultra compétitif, le journalisme est une activité très complexe à vendre. Il est, dès lors, impossible de se contenter d’une simple collaboration entre la rédaction et le Marketing pour espérer booster les ventes. En fait, je constate qu’il existe une vraie méconnaissance réciproque entre le Marketing et l’Éditorial : les responsables du Premium, par exemple, n’intègrent pas certaines techniques marketing et les responsables du marketing ont une méconnaissance de toutes les contraintes et des possibilités liées à l’Éditorial pour construire et renforcer une relation entre un utilisateur et son média. Ce type de collaboration n´est donc pas en mesure d’influencer/impacter une évolution des offres et du produit.
Cette situation nécessite donc d’orchestrer des logiques de projets entre la Rédaction, le Marketing, la Data, l’UX, le Design, afin d’imaginer les nouvelles solutions pour attirer par exemple un public plus jeune et changer la nature du produit… sachant que le point pivot de tels projets doit être l’ingénierie éditoriale pour être au plus près des besoins des utilisateurs. Nous verrons tout ceci dans les prochains “3mn R&D”.
David est PDG et fondateur de New World Encounters et d’Upgrade Media. Il a plus de 15 ans d’expérience en tant que coach et consultant en stratégies numériques au sein d’organisations comme WAN-IFRA ou d’éditeurs de référence. David est passionné par le service à la communauté des médias et partage à travers ce nouveau format, « 3mn R&D », son expertise sur le développement de produits 100%, dédié aux médias.