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Comment DIE ZEIT a franchi les frontières allemandes pour se développer

Patrick Zanello a accepté de relever le défi ! Décortiquer, chaque semaine, le jeu des principaux acteurs des médias en Allemagne pour approfondir votre connaissance, avant notre Virtual Tour Germany. Passionné des médias, Patrick est un expert suisse confirmé qui a un point de vue unique sur l’Allemagne et la France.

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Patrick Zanello

L’hebdomadaire DIE ZEIT est une institution solide en Allemagne, un quality paper de référence qui compte, chaque semaine, près d’un demi-million d’exemplaires vendus (chiffre stable depuis de nombreuses années), 2,3 millions de lecteurs par numéro et touche 13% des décideurs du pays (chiffres auquels il faut ajouter les plus de 16 millions de visiteurs uniques par mois du site). Ce succès existe malgré un prix de vente élevé (5.50 €) et peut être, sans aucun doute, mis au bénéfice d’une haute exigence rédactionnelle, d’un volume, d’une diversité de sujets rédactionnels sans équivalent et d’une stratégie de développement originale dans les pays limitrophes.

Après une première expérience réussie en Autriche, c’est en 2008 que le journal a constitué une équipe rédactionnelle à Zürich, afin de produire chaque semaine 3 pages de contenu suisse, diffusé uniquement en Suisse (les splits locaux existent depuis longtemps dans la presse magazine, «Paris Match» ou «Elle» en Belgique par exemple, mais au niveau des journaux, c’est une diversification plutôt rare et même, exceptionnelle pour un titre allemand !).

DIE ZEIT a souhaité rendre compte de « la situation particulière de la Suisse au milieu d’une Europe qui grandit « , de la manière dont le petit pays « fait face à la pression croissante de l’extérieur » en sortant des clichés traditionnels (la Suisse n’intéressait pas les médias allemands à l’exception de Davos, une fois par an, et des accidentés allemands dans le tunnel du Gotthard !). Les changements politiques (montée en puissance de l’UDC en Suisse, parti à droite de l’échiquier politique), le conflit fiscal entre l’Allemagne et la Suisse portant sur des comptes bancaires en Suisse de riches allemands et une langue commune, l’allemand, ont fini par rendre le pays intéressant pour DIE ZEIT.

Les développements locaux en Autriche et en Suisse pour DIE ZEIT sont uniques au niveau de la presse allemande.

Il faut dire que la consommation média dans la partie germanophone de la Suisse se fait beaucoup à travers les médias allemands (les 2/3 de la consommation TV se font sur des chaînes allemandes, par ex). Pour la presse, un hebdomadaire comme DIE ZEIT comptait près de 6.000 exemplaires vendus chaque semaine, en 2008, en Suisse, avant d’atteindre plus de 9.000 exemplaires en 2019 (+ 50%) avec une croissance due au nouveau cahier Suisse.

Les développements locaux en Autriche et en Suisse pour DIE ZEIT sont uniques au niveau de la presse allemande. Ils sont rentables (parfois neutres, suivant les années) sur le plan financier pour l’éditeur et connaissent un succès sur les marchés lecteurs comme annonceurs (un annonceur suisse peut acheter de la publicité dans l’édition suisse de DIE ZEIT, idem en Autriche). De plus, cette stratégie permet au journal de couvrir la fameuse région DACH, soit les trois pays parlant l’allemand (= Allemagne, Autriche et Suisse). Enfin, les deux pays contribuent entre 3 et 5% de la diffusion payante totale du journal (pas négligeable au moment où le print connaît un déclin).

Le choix du contenu traité par le directeur du bureau suisse, Matthias Daum (qui avait travaillé précédemment auprès de la NZZ) se fait autour de reportages, édités par 3 journalistes basés à Zürich et richement illustrés par des photographes, travaillant sur la totalité du pays. Politique, culture et faits de société sont traités en longueur à travers des articles de fond.

Rédaction DIE ZEIT Suisse. De gauche à droite : Sarah Jäggi, Barbara Achermann et Matthias Daum

Les rédactions locales autrichiennes, suisses et allemandes collaborent, afin de se partager un podcast commun (Servus. Grüezi. Hallo) ainsi qu’un cahier papier partagé, paraissant sur la totalité du tirage du journal (ZEIT ALPEN). Depuis quelques années, ces rédactions locales enrichissent le contenu digital du journal qui connaît aussi un succès d’audience en Suisse, monétisé aussi de manière spécifique.

Si la Suisse compte plus de 300.000 résidents allemands (ce pays est le n° 1 au niveau des expatriés, devant la France avec 135.000 résidents en Suisse) et plus de 60.000 frontaliers qui viennent travailler quotidiennement d’Allemagne en Suisse (contre 180.000 français qui passent la frontière tous les jours) ; c’est avant tout auprès des suisses que se recrutent la majorité des lecteurs du cahier (70% du lectorat est suisse alors que 20% environ sont des allemands résidant en Suisse, première cible visée au lancement du cahier !).

La monétisation des abonnements digitaux de l’édition suisse de DIE ZEIT et l’enrichissement du contenu local sont des enjeux majeurs pour l’éditeur allemand qui conserve une avance conséquente sur ses compétiteurs. De plus, l’influence de DIE ZEIT en Suisse permet au titre d’exister auprès des annonceurs suisses qui travaillent sur l’international, ce qui n’est pas négligeable au moment où ces derniers doivent faire des choix limités pour couvrir les élites allemandes.

Pour en savoir plus…

Evolution de la diffusion DIE ZEIT en Allemagne: https://de.statista.com/statistik/daten/studie/73452/umfrage/entwicklung-der-verkauften-auflage-von-die-zeit-seit-2002/

Développement du contenu par Matthias Daum: https://www.persoenlich.com/medien/der-wolf-in-der-surselva-ware-ein-thema

Patrick Zanello

Curieux des innovations qui font la presse d’hier, d’aujourd’hui et de demain, il a accompagné la croissance de différents éditeurs suisses et a participé à développer les revenus publicitaires de titres internationaux auprès des marques suisses. Patrick est aussi très actif dans le monde de la communication  (vice-président de CS Communication Suisse). Il nous fait bénéficier de certaines pépites provenant du marché allemand à travers son regard d’expert.

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