À New-York, lors du World Congress de l’INMA, j’ai écouté Bob Woodward. Une leçon de rigueur et de courage journalistique à l’heure des tempêtes démocratiques.
Lors du World Congress de l’INMA à New York, j’ai eu la chance d’entendre une voix majeure du journalisme : Bob Woodward. À 82 ans, le journaliste du Washington Post, connu pour avoir fait tomber Nixon, continue de livrer des leçons précieuses sur le pouvoir, la peur et la vérité. Dans un moment de bouleversements technologiques et de défiance envers les médias, entendre ce monument du journalisme américain, lucide et combatif, remet les fondamentaux à leur juste place.
Bob Woodward n’a rien perdu de sa verve, ni de sa foi dans le pouvoir de l’information.
Il incarne une certaine idée du journalisme : rigoureux, courageux, centré sur les faits, même quand ceux-ci dérangent. Lors de son intervention, il a rappelé avec force que le journalisme reste un contre-pouvoir vital, mais fragilisé. À ses yeux, nous vivons un moment formidable… parce que c’est un moment de vérité pour notre profession. L’occasion d’exiger plus de nous-mêmes, dans un monde où la peur et la manipulation menacent à nouveau le contrat démocratique.
Hausser le niveau : parler à plus de gens, poser de meilleures questions
À l’heure des réponses générées par l’IA et des cycles d’actualités en accéléré, Bob Woodward martèle : « Nous devons élever nos standards, parler à plus de gens. » Une injonction simple mais puissante. Pour lui, il est impératif d’aller au-delà des deux ou trois sources classiques : « Soyons plus agressifs dans la manière de poser des questions, et plus agressifs dans notre écoute. »
Résister à la vitesse et à la superficialité imposées par le numérique est, selon lui, devenu un acte de résistance.
L’enjeu des histoires du quotidien, pas seulement celles du pouvoir
Même si Woodward a passé sa carrière à scruter la Maison-Blanche, il insiste aujourd’hui sur l’importance de raconter ce qui se joue au niveau des foyers : « Il faut renforcer le lien avec le monde réel, rapporter les sujets de la table de cuisine. » Trop souvent, les rédactions courent après l’inédit, alors que l’essentiel reste parfois enfoui : « Ce qui est vraiment important est parfois vieux. » Cette quête de profondeur face au vacarme constant est au cœur d’un journalisme utile.
Le journalisme est un produit, la confiance vient des résultats
Interrogé sur la confiance dans les médias, Woodward est clair: « La confiance repose sur les résultats. Produisez les histoires. Parlez à seize personnes. Vérifiez-les. » Il met aussi en garde contre l’éditorialisation camouflée : « Cela doit être identifié comme opinion, conclusion ou jugement. » Dans un environnement saturé de commentaires, cette clarté éditoriale devient un enjeu démocratique majeur.
Un métier exigeant… et modeste
S’il prépare un nouveau livre qui pourrait dévoiler des sources longtemps restées confidentielles, Woodward conclut son intervention en évoquant une mise en garde de l’ancienne éditrice du WaPo: “Now don’t start thinking too highly of yourself … beware the demon pomposity.” Un rappel que le journalisme est un travail de vérité, pas de vanité.
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