Séduire les moins de 30 ans reste un défi pour tous les médias. Mediapart explore une voie singulière : ne pas travestir son identité, mais adapter ses formats. Et la vidéo s’impose. Découvrez notre entretien avec Cécile Sourd, directrice générale de Médiapart lors de l’évènement Médias Pionniers.
Depuis 2008, Mediapart a bâti un modèle unique dans le paysage français : 100 % numérique, 100 % payant, 0 % publicité. Une stratégie audacieuse qui a permis au média d’être rentable sans interruption depuis 2011. Aujourd’hui, avec 235 000 abonnés numériques, Mediapart se classe troisième des titres IPG, derrière Le Monde et Le Figaro. Sa prochaine frontière : élargir encore son audience, notamment en touchant les jeunes générations. Et pour cela, un levier s’impose : la vidéo.
Les jeunes, une cible difficile mais incontournable
« C’est le futur de nos abonnés. » Pour Cécile Sourd, directrice générale de Mediapart, la nécessité de toucher les jeunes générations ne fait aucun doute. Mais pas question de tomber dans le piège du contenu creux. Au contraire, « on sent qu’on a des thématiques en résonance avec les questionnements d’une partie de la jeunesse » : crise climatique, violences sexistes, influenceurs…
Lors des rencontres en présentiel, le constat est sans appel : les jeunes sont là, curieux, engagés, parfois non abonnés mais déjà très familiers avec l’univers Mediapart. L’enjeu est donc clair : transformer cette attention en adhésion, sans compromis.
La vidéo, première porte d’entrée
Surprise d’une enquête menée par le média : la vidéo s’impose comme « une source d’abonnement importante chez les plus jeunes générations ». D’abord via les contenus en accès libre sur YouTube ou sur leur site, ensuite par une conversion progressive vers l’abonnement.
Formats courts, reportages, décryptages visuels : Mediapart adapte ses récits. L’émission hebdomadaire À l’air libre ou l’émission Twitch Merci pour l’info ouvrent les coulisses du travail journalistique. Et ça fonctionne : « Une partie de la jeunesse contribue à populariser nos contenus ».
Expérimenter pour apprendre
Pas de recette miracle. « On tâtonne, on expérimente », assume la directrice générale. La force du modèle Mediapart, c’est de rester centré sur le journalisme d’enquête tout en testant de nouveaux canaux : partenariats avec des créateurs de contenus, usage du dessin ou du format court, diffusion dans les médiathèques et universités…
Point culminant de cette stratégie : le documentaire Personne n’y comprend rien, financé par plus de 10 000 donateurs (soit 500 000 euros récoltés), a réuni 150 000 spectateurs en salle. L’objectif : « expliquer une enquête tentaculaire » à une génération qui n’a pas connu l’affaire Sarkozy-Kadhafi.
Une stratégie vidéo à structurer davantage
Mediapart avance vite… mais sait aussi ce qu’il lui reste à faire. « Si j’avais une baguette magique, je nous ferais accélérer sur notre réflexion stratégique sur la vidéo », confie Cécile Sourd. Quelle part doit être gratuite ou payante ? Comment la monétiser ? Faut-il développer un modèle propriétaire ou continuer via des plateformes externes ?
Pour l’instant, Mediapart n’a pas de partenariat commercial avec YouTube, refusant toute dépendance technologique. Un choix cohérent avec leur position sur les droits voisins : refus d’encaisser l’argent tant que la transparence n’est pas totale.
Miser sur une jeunesse qui partage les mêmes valeurs
Toucher les jeunes, oui, mais pas à n’importe quel prix. Mediapart reste fidèle à ses principes : pas de compromis sur l’éthique, l’exigence journalistique ou l’indépendance économique. L’équipe s’est rajeunie, pour mieux comprendre les nouveaux usages et mieux y répondre.
L’ambition est claire : « qu’un jour, quand ils auront les moyens de s’abonner, ils choisissent Mediapart ». Et ça commence dès maintenant, en parlant leur langue, dans leurs formats, sur leurs plateformes.
Inscrivez-vous à la session du 3 juin – 11h00 !
Découvrez le programme complet de Médias Pionniers.
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