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Le jour J est arrivé – J comme Jinfluenceur

Bien sûr, les influenceurs ne sont pas des journalistes. Mais ils se taillent la part du lion en termes d’attention et d’audience.  Il est temps de reprendre ce qui nous appartient. 

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En 2023, un rapport de l’Institut Reuters pour l’étude du journalisme a interrogé 94.000 personnes dans 46 pays et a constaté que 55 % des utilisateurs de TikTok et de Snapchat et 52 % des utilisateurs d’Instagram s’informent auprès de « personnalités », contre 33 à 42 % auprès des médias traditionnels. En d’autres termes, les influenceurs sont désormais mieux classés que le journalisme traditionnel pour ce qui est de l’information, en particulier chez les jeunes.  Au même moment, en France, l’INA expliquait pourquoi les relations publiques commençaient à valoriser les influenceurs par rapport aux journalistes.  Plus encore que le passage au numérique, la montée en puissance des influenceurs était perçue comme une menace pour le journalisme, ainsi que pour l’argent du marketing dont dépendent les publications. 

Nombre d’entre nous, issus du journalisme traditionnel, étaient (et sont toujours) consternés. Mais c’est un changement qui n’a fait que s’accentuer depuis.

En novembre dernier, l’institut américain Pew a décidé de chiffrer le phénomène en examinant 28.000 comptes de médias sociaux et 500 personnes influentes dans le domaine de l’information.

Pew a constaté que près de 4 jeunes de moins de 30 ans sur 10 se tournaient vers des influenceurs pour s’informer.

Alors, les influenceurs vont-ils remplacer les journalistes ? Non, sauf si nous les laissons faire.

L’Europe n’est pas les États-Unis, bien sûr, et une enquête de la Press Gazette menée l’année dernière aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France a révélé que les personnes interrogées aux États-Unis étaient beaucoup plus susceptibles de citer des sources d’information alternatives que leurs homologues européens. 

Les personnes interrogées aux États-Unis ont cité majoritairement des sources non traditionnelles, le Royaume-Uni a fait l’inverse et la France s’est rapprochée d’un rapport de 50/50.  Il convient de noter qu’il s’agit d’un petit échantillon, mais il montre à quel point les informations provenant de sources non journalistiques sont devenues omniprésentes.

Au cas où vous vous poseriez la question, il s’agit des comptes individuels liés à l’actualité les plus mentionnés dans l’Hexagone.

Nous savons maintenant ce que vous pensez. Parce que nous avons pensé la même chose. Nous avons déjà dénoncé le manque de références, l’absence de vérification des faits et le parti pris en faveur des hommes (Pew a constaté qu’ils étaient à 63 % des hommes) et de la droite. Répéter le mantra selon lequel « les influenceurs ne sont pas des journalistes » est tout à fait juste, doit être souligné et peut apporter un certain réconfort, mais cela ne contrera pas l’impact des influenceurs sur la nouvelle consommation.
Alors que faire ?

L’une des réponses les plus courantes consiste à adopter une position morale et à se concentrer sur la qualité. Après tout, c’est ce que nous faisons le mieux.

De plus, il est possible que le « nivellement par le bas » des contenus de mauvaise qualité contribue à leur autodestruction. L’inondation du web par l’IA signifie que les LLM apprennent maintenant à partir d’autres contenus générés par l’IA, et deviennent moins humains dans le processus, de sorte qu’une vraie voix devrait se démarquer davantage. De même, l’argument, selon lequel un nombre croissant d’influenceurs potentiels se bousculant pour se faire entendre, conduira à un torrent de contenu de mauvaise qualité que le public apprendra à éviter.

Le rapport sur le rôle de la presse premium, publié l’année dernière par Les Echos, Le Parisien, Le Figaro et M Publicité a certainement suggéré que la crédibilité de la presse premium était de bon augure pour son influence et donc son avenir.

Mais attendons un peu. Être le meilleur possible est essentiel, certes, mais ce n’est pas tout. Les éditeurs de presse doivent également faire passer ce message en convainquant le public qu’ils sont l’option digne de confiance et de qualité. Le problème est que le public que nous recherchons n’est pas celui qui se tourne déjà vers Le Figaro pour s’informer. C’est celui qui évite l’information traditionnelle. Pour ce faire, nous devons mieux comprendre pourquoi les influenceurs sont si populaires et si nous pouvons appliquer une partie de cette approche à notre propre contenu.

La raison invoquée pour expliquer la popularité des influenceurs, encore et toujours, est qu’ils semblent plus proches de leur public. Ils sont presque comme des amis, ils sont souvent informels (le principal podcasteur américain, Joe Rogan, est célèbre pour fumer de la marijuana avec ses invités pendant ses enregistrements) et ils sont dignes de confiance. Le monde du marketing nous apprend que 70 % des consommateurs font confiance aux influenceurs, même lorsqu’ils savent que le rôle de l’influenceur consiste à leur vendre quelque chose. 

Une approche consiste à engager des influenceurs dans les médias traditionnels, par exemple le YouTubeur Gaspard G qui s’est vu attribuer un créneau quotidien sur France Inter. Nice-Matin a testé cette approche avec ses ambassadeurs locaux, mais le test semble hésitant et s’inscrit dans le cadre du site web du journal, plutôt que d’être libéré  sur Instagram et YouTube.

Par ailleurs, il s’agit de voir comment les journalistes peuvent adopter le style des influenceurs, tout en respectant le code de déontologie journalistique. Cela ne signifie pas que les journalistes doivent se faire passer pour des influenceurs, et encore moins qu’ils doivent le devenir, mais plutôt que les rédacteurs d’articles d’opinion doivent se mettre à TikTok.

Tous les journalistes ne peuvent ni ne doivent le faire, bien sûr, mais il existe des exemples remarquables d’anciens journalistes qui sont devenus des « jinfluenceurs » (newsfluencers). James O’Brian en est un excellent exemple au Royaume-Uni. Kolok de Ouest France sur YouTube est un exemple fascinant où de jeunes journalistes ont la possibilité de trouver de nouveaux publics en tant qu’influenceurs.

Oui, nous devons rester fidèles à un journalisme de qualité, mais nous devons aussi aller à la rencontre du public pour lui faire comprendre pourquoi cela est important.

Les Jinfluenceurs pourraient bien être (une partie de) la solution.


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